Motorstudies, Powerforms, 2017

Résidence

François Bellabas

Résident 2018 - 2019

Motorstudies

 

« L’essentiel d’abord; l’automobile n’est pas le sujet du travail de François Bellabas. S’il existe un lien évident, celui-ci se noue à un niveau plus viscéral, proche de ce qui lie le héros de John Carpenter à sa Plymouth Fury hardop. Il distingue dans la voiture des formes et des figures, parce qu’il les retrouve en creux dans le cerveau de chaque conducteur et dans la forme des villes qu’ils parcourent… L’automobile est le centre d’un immense dispositif qui affecte et infecte l’environnement, bien au-delà des lignes tracées par les routes dans l’ensemble du territoire. Elle modifie l’architecture, les gestes et les paysages, jusqu’au lointain, foré et bombardé au nom des énergies fossiles. Nous sommes les spectateurs d’un siècle où tout ce qui nous entoure s’est plié comme de la tôle devant la toute-puissance des chevaux-vapeurs. 

Quand François Bellabas se penche sur un détail de carrosserie froissée, c’est comme modèle de cet accident total qu’il l’envisage. Quand il observe les marques de pneus sur un parking californien, c’est la propagation de l’onde de choc qu’il cherche à deviner dans les dessins de la gomme brûlée. Les images qu’il produit fonctionnent comme des études et des hypothèses. Lorsqu’il crash-test ses images, le choc et la vitesse les modifient, il se produit dans le travail une compression des deux objets. La photographie entre en résonnance avec son sujet, comme ces ponts qui s’effondrent au passage des troupes. Les images vibrent, des patterns se multiplient, les éléments polarisent l’espace de la photographie. La prise de vue seule ne suffit pas, il faut pour achever l’expérience venir modifier son code, ajuster sa forme. La photographie, comme la carrosserie des voitures, est une surface opaque et brillante attendant que s’y inscrivent collision et corrosion.

En opérant ces modifications dans les images, François Bellabas parvient à saisir et figer des formes sourdes, la vitesse tenue en réserve, la multiplicité des trajectoires possibles, la puissance et l’inertie contenus dans chaque objet. À parcourir ses images, on découvre qu’il est possible d’habiter l’accident, un interstice difficile à percevoir sinon par ceux habitués à la mécanique du chaos, tel Iggy Pop qui raconte son souvenir d’un temps calme et suspendu dans l’habitacle d’une voiture sortie de la route, tandis qu’elle roule sur elle-même, une pluie de fragments de verre suspendue autour de lui. C’est ce temps-là, à peine vivable, qui est peut-être le véritable sujet du travail de François Bellabas. » Nicolas Giraud

 

François Bellabas (né en 1989) est diplômé de l’École Supérieure d’Art de Lorraine et de l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles. Ses recherches questionnent le médium photographique dans ses possibles d’évolution et de mutation. Son approche, similaire à celle d’un ingénieur, le pousse à extraire et analyser les états de réel que produit l’outil photographique. Entremêlant l’aléatoire à des formes référencées, il explore les niveaux de langages et la fabrication du contemporain. Les images et les installations qui en découlent sont autant de fragments à combiner entre eux, chacun dessinant les variantes d’une réalité en mutation constante. Il vit et travaille à Paris.

 

 

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